Hayati Chayehoi : en mode métissé

Assise derrière sa machine à coudre, dans l’appartement familial, Hayati Chayehoi assemble les tissus sans discontinuer. Le regard est concentré et le geste est précis. Sous ses mains, les formes se marient aux couleurs pour donner naissance à une robe, une veste ou un coussin.

Prêt-à-porter, accessoires, éléments de déco… la jeune styliste, qui vient tout juste de fêter ses 25 ans, explore toute la palette du « fashion designer ». Spécialisée dans les tissus « ethniques » comme le lesso, le wax ou le shiromani, elle a lancé sa propre marque en 2015 et imprimé un style mixant traditions africaines, européennes et asiatiques. Une initiative immédiatement repérée par les professionnels de la mode. Dès janvier 2016, plusieurs pièces de sa marque ont été présentées chez Uniqlo le Marais, dans la collection Inès de la Fressange.

Jouissant d’une reconnaissance bien méritée, la jeune femme compte bien aller jusqu’au bout de ses ambitions. « La collaboration avec Inès de la Fressange a été une véritable chance pour moi, se réjouit-elle. Travailler avec un grand nom de la couture, cela ouvre des portes… et puis, cela donne du coeur à l’ouvrage ! Du coup, je continue à travailler dur. Comme beaucoup de jeunes créateurs, je participe à un maximum d’évènements pour me faire connaître. Pour moi, il est important de raconter une histoire, d’aller à la rencontre des gens ; je veux travailler sur cette envie de rencontrer l’autre ».

"Pour moi, les vêtements sont un vecteur de communication culturelle."

Piquant à contre-courant du style « strass et paillettes », Hayati défend une approche éthique de la mode. « Pour moi, explique-t-elle, les vêtements sont un vecteur de communication culturelle. Ils permettent de créer un échange permanent, de s’approprier les différences de l’autre. Dans mon travail, je mélange des influences culturelles très diverses pour faire émerger un patrimoine commun. Je pense que le métissage est un lien puissant. Il est un peu comme ce fil qui me permet de coudre les différents tissus entre eux ».

Originaire de la place de la Lance, la jeune femme a été bercée pendant toute sa jeunesse par la diversité du quartier de la Noé, une richesse qui l’inspire encore aujourd’hui. « Je suis très attachée à cet endroit. Chanteloup-les-Vignes est une ville-monde qui permet de voyager en bas de chez soi ! Le mélange de toutes ces couleurs, de toutes ces langues, de toutes ces attitudes est pour moi comme un parfum d’enfance. C’est cette sensation-là que je cherche à retranscrire dans mon travail ».

Elevée dans une famille comorienne où la couture a toujours fait partie du quotidien, Hayati s’attache, collection après collection, à recréer un univers très personnel, où la figure de sa mère tient une place centrale. « Il y a toujours eu des machines à coudre chez moi. Ma mère cousait énormément. Elle créait des vêtements pour toute la famille. Pendant ce temps-là, je la regardais couper ses tissus et placer ses patrons. C’est comme ça que mon parcours de designer a commencé. Quand je me suis tournée vers la couture, ma mère a été une vraie ressource : son expérience et ses conseils m’ont beaucoup servi. Ses machines et ses tissus aussi… ».

Aujourd’hui, ses créations font de plus en plus parler d’elles sur internet et dans la presse spécialisée. Une trajectoire sans faute pour cette artiste que l’on découvre par le bouche-à-oreille et que tout le monde finira bientôt par s’arracher…